Editorial de Éric Gibert, Président de la FFR
« LE RADICALISME ACADÉMIQUE N’EST QU’UNE FORME SOPHISTIQUÉE DE LA BÊTISE »
Cette phrase est extraite d’un livre très intéressant récemment publié par la sociologue Nathalie Heinich : « Ce que le militantisme fait à la recherche », à propos de l’irruption des idées sociétales du moment présent dans les travaux de recherches universitaires. Ses analyses s’appliquent aussi à notre métier.
Il faut également lire le livre d’Ariane Chemin et de Marie-France Etchegoin « Raoult. Une folie française ». Il détaille avec rigueur ce glissement d’un vrai travail de professionnel vers l’impossibilité de remettre en question ses propres réflexions.
C’est un brillant résumé de pratiques médicales intelligentes mais dévoyées par des considérations politiques et des ego de tous bords qui déversent péremptoirement leurs opinions sur l’ensemble des chaînes et notamment celles d’information continue.
La communauté scientifique internationale a agi en pleine découverte de ce virus et ses activités de recherche ont permis de trouver des solutions thérapeutiques, d’en éliminer d’autres dans des délais incroyables qui ont interrogé, du fait de leur rapidité, la population mondiale.
Les pseudo-débats ont empoisonné la réflexion intellectuelle sur cette pandémie qui pour la première fois a concerné simultanément le monde entier.
La science et ses missions intellectuelles ont subi des attaques constantes qui ont alimenté les populismes les plus régressifs, incapables de comprendre ce monde en mouvement dans lequel nous vivons.
Parlons de cette incapacité à intégrer le concept : « corrélation n’est pas causalité » par exemple : « En France, 60 % des morts ont lieu à l’hôpital, donc l’hôpital est dangereux » ou « des chercheurs ont montré une corrélation forte entre la consommation de chocolat par habitant et le nombre de prix Nobel obtenus » et combien d'autres !
Tant de procès d’intention sans recul réflexif ont été infligés à la population française perdue entre les difficultés induites par notre manque de préparation, une administration qui a freiné les initiatives, des politiques de tout bord parlant doctement de médecine, elle a aussi découvert qu’une partie de la communauté médicale fut incapable de suivre et de respecter ses propres principes. Beaucoup ont utilisé leur notoriété pour faire passer leurs opinions philosophiques, sociales et politiques sur la santé. Beaucoup sont sortis du bois et nous saurons maintenant qui peut être encore digne d’écoute et de respect.
Nous devons aussi évoquer la mainmise des réseaux sociaux sur les débats, les invectives et la diffusion des pires théories complotistes, mais aussi l’énergie dépensée par les chercheurs à tenter de maintenir le cap et d’exhorter à garder la tête froide.
Heureusement que toutes ces équipes hospitalières françaises ont poursuivi leurs activités dans le calme tout en échangeant constamment avec leurs collègues étrangers pour affiner leurs protocoles.
Ces remarques devraient aussi concerner la communauté journalistique et médiatique qui a beaucoup oublié ses principes, valorisant les pires et rarement les personnes posées, ces « incapables » de faire le « buzz » !
Cette confusion entre opinion et savoir touche tous les secteurs de la pensée intellectuelle. Cet enseignement devrait être rappelé à tous les étudiants de toutes les filières universitaires mais aussi dans les écoles.
Ce respect de la neutralité est une norme admise par tous au même titre que reconnaître ses erreurs et ses échecs comme un moyen de s’améliorer et d’apprendre.
Espérons que nous tirerons une réflexion globale de cette pandémie pour revenir aux grands principes qui ont accompagné la philosophie et la recherche depuis l’Antiquité.
Éric Gibert
Président de la FFR