Mon papy cherche un rhumatologue

Dr Olivier Rossignol, Président de la FFR

Nous venons de recevoir la lettre ci-dessous, de la part d’une charmante petite fille : « Je vous écris parce que j’ai trouvé un numéro de votre journal "Le Rhumatologue" chez Papy, il a des amis médecins qui ont dû le lui donner. J’adore passer du temps avec mon grand-père, qui est un homme sage, avec une voix douce et des histoires fascinantes à raconter. Mais ces derniers temps, j’ai remarqué que Papy se plaignait souvent de douleurs dans ses articulations. Un jour, alors que nous étions assis sur le banc à regarder passer les nuages, je lui ai demandé : « Papy, pourquoi tu fais la grimace ? ». Papy soupira et répondit : « Oh, ma petite Jeanne, mes genoux et mon dos me font mal. J’ai du mal à me baisser, à jouer avec toi ou à marcher longtemps. Je pense que j'ai besoin d'un rhumatologue. ». Je ne comprenais pas tout à fait ce que cela signifiait, mais je savais que Papy avait besoin d'aide. « Un rhumatologue, c'est quoi ça ? » ai-je demandé, en fronçant le nez. Papy sourit et m’expliqua : « C'est un docteur qui aide les gens comme moi, qui ont des douleurs dans les articulations. Mais je ne trouve pas de rhumatologue ici. J’en ai appelé plusieurs, mais ils ne prennent pas de nouveaux patients. Il faut attendre que quelqu’un meure… ».

Déterminée à aider mon grand-père, je me levai d'un bond. « Je vais t'aider à en trouver un, Papy ! ».

Le lendemain, je me mis en quête de chercher un rhumatologue pour Papy. Je mis ma petite veste rose et pris mon doudou préféré, un ours en peluche nommé Petit Ours Brun. Ensemble, nous partîmes à l'aventure dans le village. Je me rendis d'abord à la boulangerie, où je savais que Madame Dupont, la boulangère, avait toujours le sourire et de bons conseils. « Bonjour, Madame Dupont ! Est-ce que tu sais où je peux trouver un rhumatologue pour mon Papy ? ». Madame Dupont, surprise par la question, se mit à rire. « Oh, ma  Jeannette, je ne suis pas sûre de savoir ce que c'est, mais demande à Monsieur Martin, le facteur. Il connaît tout le monde dans le village et aux alentours ! ».
Je me dirigeai vers Monsieur Martin, qui justement distribuait le courrier dans la rue. « Bonjour, Monsieur Martin ! Est-ce que tu sais où je peux trouver un rhumatologue pour Papy ? » Monsieur Martin, amusé par la question, me répondit : « Eh bien, je ne suis pas médecin, mais je pense qu'il doit y en avoir un dans la ville à côté. J’ai fi ni ma tournée, je peux t'y conduire avec mon vélo si tu veux ! ». Je grimpai sur le porte-bagages, tenant fermement mon ours en peluche. Le vent dans mes cheveux, je me sentais comme une grande aventurière. Arrivés dans la ville voisine, personne ne semblait savoir où se trouvait le rhumatologue. « Ne t'inquiète pas, dit Monsieur Martin. Nous allons le trouver, ce docteur ». Finalement, une dame âgée nous indiqua un bâtiment avec une belle plaque en laiton : « Cabinet du Dr Leweb, Rhumatologue ».

Avec un grand sourire, je demandai à la réceptionniste : « Bonjour Madame, quand est-ce que le docteur peut voir mon Papy ? Il a besoin d'aide pour ses genoux et son dos ! – J’ai justement une place dans 3 mois, le mardi à onze heures ». « Mais c’est trop loin ! Mon Papy a très mal, il a dit qu’il aurait besoin de piqûres dans les genoux ! – Je ne crois pas que le docteur Leweb fait ça, il faudra aller chez le radiologue… Le docteur soigne surtout avec des zumabes, c’est bien plus efficace ».

De retour un peu dépitée, je courus vers Papy, qui était assis sur son banc à lire son journal. « Papy, Papy ! J'ai trouvé un rhumatologue pour toi, il peut te soigner avec des zumabes ! » Mon grand-père, surpris, m’expliqua que selon la revue qu’il avait lue, ses rhumatismes se traitaient plutôt avec des anti-inflammatoires et une série de piqûres dans les articulations. « Mais la secrétaire m’a expliqué que ça ne se fait plus, c’est démodé et ces traitements sont très dangereux, son ostéopathe le lui a dit. Il y a de la kortizone dedans ! De toute façon, le docteur Leweb ne sait pas faire ces piqûres. Il envoie les gens chez le radiologue, qui les fait sous scanner, sous IRM ou même sous pètescane, elle m’a dit. ».

Papy m’expliqua alors qu’autrefois, son oncle, qui à l’époque avait les mêmes rhumatismes que lui, avait reçu de nombreuses fois des infi ltrations dans les genoux, dans le dos et même dans les mains. Non seulement il n’était jamais tombé malade, mais il avait toujours été très soulagé. Autrefois, les rhumatologues faisaient ça couramment, ils avaient appris pendant leurs études. Et puis, il y avait beaucoup plus de rhumatologues, on pouvait facilement avoir des rendez-vous. Comme il n’y avait pas de scanners ni d’IRM, ils étaient obligés de bien connaitre l’anatomie pour pouvoir examiner les patients, et donc ils savaient très bien faire les infiltrations, car ils en faisaient beaucoup. « A l’époque, on n'hésitait pas à faire plusieurs infiltrations de suite, et à prescrire en même temps des traitements efficaces, s’il le fallait ! Aujourd’hui j’ai l’impression que les rhumatologues, eux aussi, sont victimes du mal de dos : ils ont du mal à se pencher pour faire une injection.
Autrefois, on avait l’impression que ça leur faisait plaisir de mettre le paquet pour soulager les gens, comme ça on libérait de la place pour de nouveaux patients. Maintenant, on dirait qu’ils préfèrent attendre que ça guérisse tout seul… Les zumabes, c’est très bien, mais c’est quand même fait pour une minorité de rhumatismes ».

Bien sûr, je trouve que mon Papy exagère un peu, mais vous savez ce que c’est : les gens d’un certain âge trouvent toujours que c’était mieux avant, c’est même à ça qu’on les reconnaît.

Quoique…

Si vous connaissez un rhumatologue qui n’hésite pas à faire des piqûres dans les articulations, merci d’écrire au journal, qui fera suivre à mon Papy. »

Jeanne LB-R