L’informatique quantique est l’une des technologies clés pour l’avenir. Capable de traiter des masses de données dantesques grâce à des opérations dépassant l’imagination, elle repousse les limites de ce qui est possible de calculer. Outre sa rapidité et sa puissance, la sécurité serait également un atout majeur dans le cryptage des informations et donc dans ces fameuses bases de données qui sont le talon d’Achille de l’informatique d’aujourd’hui.
La physique quantique est un ensemble de théories physiques qui cherchent à expliquer le comportement des atomes et des particules. L’ordinateur quantique, quant à lui, agit selon ces principes dans un monde subatomique régi par les lois de la mécanique quantique. En prenant le monde physique tel qu’on le connaît, nous sommes capables de simuler un certain nombre de phénomènes : comment les planètes tournent, comment notre environnement évolue… La complexité vient de la modélisation de l’infiniment petit, en dessous de l’atome. Et c'est à ce niveau que l'informatique quantique va jouer son rôle.
QU’EST-CE QUE L’INTERNET QUANTIQUE ?
Actuellement, en informatique classique, l’information envoyée sur internet est une suite d’octets (vos messages), chaque octet étant une suite de bits (les fameux 0 et 1) créant des images et des sons. Avec l’informatique quantique, exit le bit, c’est le quBit (ou qbit).1 Là où le bit était la plus petite entité d’information possible, en informatique quantique, ce sera le qubit qui est un système à deux niveaux caractérisés par la superposition de l’état 0 et de l’état 1. En d’autres termes, ce système est un simple photon (transporté par une fibre optique) qui se trouve dans un état quantique superposé, ses calculs étant effectués à l’échelle atomique en se basant sur les lois de la physique quantique s’intéressant au comportement de la matière et de la lumière au niveau microscopique. L’utilisation de cet état superposé va garantir une rapidité de calcul sans précédent et un mode de cryptage qui sera impossible de mettre à mal.
L’ORDINATEUR QUANTIQUE
Son principe
L’ordinateur quantique utilise donc comme on vient de le voir, des bits quantiques qui ne prennent pas comme valeur 0 ou 1, mais une superposition de 0 et de 1, et c’est bien ces valeurs de calcul qui changent tout. Imaginez l’utilisation d’un comp-teur qui afficherait tous les nombres existants entre 0 et 99 999. Votre ordinateur traitera chaque nombre en passant par toutes les combinaisons pour y arriver (en comptant 99 999 fois grâce à des calculs parallèles).
Un ordinateur quantique va raison-ner d'une tout autre manière en continuant à travailler avec des 0 et des 1, mais en traitant tous les états possibles en même temps (pour reprendre l’analogie du compteur : il a compté en une fois au lieu de compter 99 999 fois).
Grâce à ce procédé, un ordinateur quantique à 4 quBits calculera 16 fois plus rapidement qu’un ordi-nateur classique à 4 bits avec une puissance qui doublerait à chaque fois qu’on lui ajoute un quBit ! On vous laisse imaginer les puissances de calcul… En 2019, un ordinateur (nommé Sycamore) élaboré par Google, a réussi en 3 minutes un calcul qui aurait été résolu en 10 000 ans par un ordinateur de la Nasa. Et tout récemment, des chercheurs de l’Université de sciences et technologie de Chine ont réalisé un ordinateur quantique de 66 qubits un million de fois plus rapide que celui de Google et 10 millions de fois plus rapide que le superordinateur le plus puissant du monde.
Pour quoi faire ?
On a toujours cette impression qu’aujourd’hui les ordinateurs ont la possibilité de résoudre tous les problèmes du monde parce qu’ils sont puissants et efficaces, mais également parce que l’intelligence artificielle, le machine learning2 et le deep learning3 y sont grandement associés. Et c’est faux ! Malgré le développement des processeurs, des mémoires vives et de stockage, votre ordinateur traite juste les informations en mode binaire, c’est-à-dire avec des 0 et des 1 ; il « réfléchit » donc en binaire, même si sa mémoire est constituée de milliards de cases (les bits) contenant soit un 0, soit un 1.
Les chercheurs explorent d’autres moyens de rendre les machines plus puissantes. Et dans l'informatique classique, pour rendre un ordinateur ou un supercalculateur plus puissant, il faut augmenter sa mémoire et sa puissance de calcul, mais ceux-ci ont leurs limites. L’informatique quantique est un moyen proche d’accéder au sésame de la puissance et de passer à l’« étape supérieure » en démultipliant le potentiel de calcul des systèmes d’intelligence artificielle. Ces futurs ordinateurs quantiques pourraient révolutionner de nombreux secteurs industriels. Et, plus largement, l’informatique et l’intelligence artificielle.
LES RÉVOLUTIONS DE L'INFORMATIQUE QUANTIQUE
L’industrie pharmaceutique et la recherche
Ce sont principalement les sec-teurs pharmaceutiques et ceux de la recherche qui se trouveront bouleversés par la puissance phé-noménale des quBits. Les ordina-teurs quantiques fonctionnant avec les mêmes propriétés quantiques que les molécules qu’ils essaient de simuler, la conception des mé-dicaments sera bien plus précise et conduira à des développements bien plus rapides pour de nouveaux traitements.
Plus globalement, l’ordinateur quantique permettra une compré-hension bien plus rapide et précise des maladies. Un grand nombre d’ensembles de données interfonc-tionnelles pourra être ainsi intégré dans des modèles de facteurs de risque des patients. Il permettra également d'identifier et de per-sonnaliser plus rapidement les pro-tocoles de traitement ciblés. Enfin, il y aura une meilleure compréhen-sion pour voir précisément où et pourquoi un protocole a réussi ou échoué, ce qui sera fondamental pour la recherche.
« La nature n’est pas classique, bon sang, comme l’avait souligné Ri-chard Feynman, lauréat du prix No-bel et leader de la physique quan-tique en 1965, et si vous voulez faire une simulation de la nature, vous feriez mieux de la faire à partir de la mécanique quantique ».
LA SÉCURISATION DES DONNÉES
Aujourd’hui, le secteur de la Santé est devenu une cible de choix et une mine d’or pour les pirates in-formatiques. Le nombre de viola-tions des données de Santé est en constante augmentation (en 2019, 37 millions de documents divul-gués). Outre une sécurisation des infrastructures des instituts médi-caux insuffisante par rapport à la « criticité » des informations stoc-kées, les techniques de chiffrement et d’anonymisation également sont obsolètes et peuvent être facile-ment piratées. On l’a vu récemment avec ce vol massif des données à l’AP-HP réalisé par un jeune homme de 22 ans qui « voulait démontrer la faiblesse et la faillibilité du système informatique de l’AP-HP ».
POUR QUAND ?
L’informatique quantique est une technologie d’avenir dont l’enjeu est capital, mais cette technologie n’en est qu’à ses balbutiements avec une commercialisation lointaine. De plus en plus d’entreprises s’y intéressent, notamment Google qui envisage la commercialisation d’un ordinateur quantique en 2029, IBM qui compte développer un proces-seur 1000 quBits en 2023 ou Ama-zon qui est passé à la réalisation de son ordinateur quantique.
Le Président Emmanuel Macron a présenté un plan d’investissement de 1,8 milliard d’euros sur cinq ans au début de l'année 2021 et lancé une plateforme nationale de calcul quantique dans le cadre du Plan France 2030. Ce plan vise à améliorer les travaux menés sur les simulateurs de systèmes quantiques, les calculateurs, les capteurs, la cryptographie, les communications et les technologies qui permettront le développement et l'amélioration des développements déjà existants comme la génération de photons ou la cryogénie.
L’objectif du gouvernement serait de parvenir à la réalisation d’un « ordinateur quantique hybride » d’ici 2023.
RÉFÉRENCES
1. Qui provient des termes « quantum bit » ou « bit quantique ».
2. Le machine learning, sous-domaine de l’IA, est un apprentissage automatique qui crée ses propres algorithmes à partir de ses données, porter ainsi des jugements et prendre ses propres décisions.
3. Le deep learning s’appuie sur un réseau de dizaines – voire de centaines de « couches » – de neurones artificiels s’inspirant du cerveau humain. Chaque couche reçoit et interprète les informations de la couche précédente. Plus on augmente le nombre de couches, plus les réseaux de neurones apprennent des choses compliquées.
4. Physical review letters - Journal de la Société américaine de physique du 25 octobre 2021.
Sources : lesnumeriques.com, cnetfrance.fr, 23consulting.com, institut-pandore.com - Siècle Digital.
AMAZON DÉBARQUE DANS LES HÔPITAUX
Pourquoi parler à un médecin ou une infirmière quand on a Alexa dans la chambre ? C’est outre-Atlantique qu’Amazon, avec son programme Alexa Smart Properties, propose aux soignants des hôpitaux de commu-niquer avec les patients via les fonctions d’appel et d’interphone sans avoir à entrer dans les chambres. Les patients peuvent ainsi communiquer ou juste poser des questions, les infirmières pouvant vérifier ce que ressent une personne grâce aux fonctionnalités d’Alexa. Selon Liron Torres, directrice-manager d’Alexa Smart Properties, « cela permet aux hôpitaux d’augmenter la productivité et donc de faire des économies, le personnel étant plus disponible pour d’autres tâches » (sic)…
Des hôpitaux ont contacté Amazon en début de pandémie Covid pour mettre en place un système permettant aux soignants d’échanger avec les patients sans utiliser d’équipement de protection.
Pour Amazon, l’opération est du « gagnant-gagnant ». Mais ce temps « précieux » récupéré ne serait-il pas au détriment et au risque d’isolement des patients : soigner et écouter étant la base de la Santé sans entrer dans une ère industrielle dangereuse dans la sociabilité des rapports humains ?
Les hôpitaux pourront envoyer aux patients, rentrés chez eux, des informations et des annonces via Alexa.