Les urgences, survenant au sein d’un cabinet médical, peuvent être différentes selon la spécialité ; elles sont une source d’angoisse pour le praticien et le patient et peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Nous proposons une revue (non exhaustive) d’événements pouvant survenir dans un cabinet de Rhumatologie.
L’ANAPHYLAXIE
Les experts ont décidé de remplacer par ce terme la dénomination « choc anaphylactique » qui ne traduisait que les effets hémodynamiques de cette pathologie. L’anaphylaxie a été découverte en 1901 par Charles Richet lors de recherches sur la toxicité de la Physalie (méduse). Cette pathologie peut mettre en jeu le pronostic vital, elle touche tous les âges de la vie. Il existe peu de données épidémiologiques fiables. Si chez l’enfant, les aliments sont responsables de 65 % des cas, chez l’adulte, ce sont les médicaments (22 %) et les venins d’hyménoptères (48 %). Dans 20 % des cas, on ne peut identifier l’origine. Les principaux médicaments incriminés sont les antibiotiques (ßlactamines ++), les anti-inflammatoires non stéroïdiens et certaines molécules utilisées en anesthésie. Tous les aliments peuvent déclencher une anaphylaxie, par ingestion, inhalation, ou contact cutané. La physiopathologie de l’anaphylaxie est complexe, quel que soit le mécanisme, la prise en charge initiale est toujours la même. Classiquement, il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité allergique IgE médiée. Un premier contact entraîne une sécrétion d’IgE par les lymphocytes B qui vont se fixer sur les mastocytes et les basophiles. Lors du second contact : dégranulation des mastocytes qui entraîne la libération des médiateurs : histamine ++, sérotonine, tryptase… Secondairement, production d’autres médiateurs : leucotriènes, prostaglandines etc. quelques minutes plus tard, puis production, dans les heures qui suivent, de cytokines, facteur de croissance… Cette chronologie explique la possibilité d’aggravation secondaire et/ou l’évolution biphasique nécessitant une surveillance prolongée après l’épisode initial. Les IgE peuvent reconnaître une séquence, seulement de l’antigène (épitote) entraînant la même symptomatologie sans que le premier contact soit retrouvé. Le principal médiateur libéré est l’histamine. Les autres médiateurs prolongent et potentialisent ses actions : contracture des muscles lisses, bronchoconstriction, œdème des voies aériennes, hypersécrétion de mucus, vasodilatation, augmentation de la perméabilité capillaire (extravasation), possibilité d’atteinte directe du myocarde organe riche en mastocytes. Le diagnostic de cette pathologie, d’installation brutale et rapidement évolutive, est clinique. Un délai d’apparition rapide est un signe de gravité. Il existe chaque année des décès par anaphylaxie. Les diagnostics différentiels : exacerbation d’un asthme (atteinte respiratoire seule), les autres types de choc, l’angioœdème à bradykinine (œdème seul initialement). Il existe des facteurs aggravants tels que l’asthme, la prise d’IEC, de ß bloquants, l’alcool, l’effort, les AINS, le stress, les syndromes infectieux et les désordres mastocytaires.
Tableau des critères cliniques d'anaphylaxie définis par Sampson H.A et al.
Une anaphylaxie est probable quand l'une de ces trois situations cliniques apparaît brutalement :
Situation 1 | Installattion aiguë d'une atteinte cutanéomuqueuse de type urtcariennea ET au moins un des éléments suivants : ■ atteinte respiratoireb ■ hypotension artérielle ou signe de mauvaise perfusion d'organesc |
Situation 2 | Au moins deux des éléments suivants apparaissant rapidement : ■atteinte cutanéo-muqueuseᵃ ■atteinte respiratoireb ■hypotension artérielle ou signes de mauvaise perfusion d’organesᶜ ■signes gastro-intestinaux persistants (douleurs abdominales, vomissements, etc.) |
Situation 3 | Hypertension artérielle : ■de 1 mois à 1 an, PAS < 70 mmHg ■de 1 à 10 ans, PAS < 70 + (2 x âge) mmHg ■de 11 à 17 ans, PAS < 90 mmHg ■adulte, PAS < 90 mmHg ou baisse de plus de 30 % par rapport à sa valeur habituelle |
PAS : pression artérielle systolique.
a - Éruption généralisée, prurit, flush, œdème des lèvres, de la langue ou de la luette, etc.
b - Dyspnée, bronchospasme, hypoxémie, stridor, diminution du débit expiratoire de pointe, etc.
c - Syncope, collapsus, hypotonie.
La prise en charge doit être rapide sans omettre l’alerte (centre 15). Il n’y a pas de contre-indication absolue à l’usage de l’Adrénaline en intramusculaire (face latéroexterne de la cuisse). L’Adrénaline est un sympathomimétique à action directe (α+ et ß+). L’administration se fait par des auto-injecteurs disponibles par lot de deux. Il existe différentes spécialités : Anapen®, Epipen®, Emérade® Jext® les dosages sont de 150µgr (posologie enfant 15 à 30kg) 300µg et 500µg (posologie adulte selon le poids inférieur ou supérieur à 60kg). Ces auto-injecteurs se conservent à température ambiante (< 25°). La date de péremption : 22 à 24 mois après la date de fabrication souvent différente de la date d’achat. Le prix du dispositif de deux injecteurs oscille entre 62.33€ et 69.28€.
En complément de l’injection, des mesures s’imposent : position Trendelenburg si perturbation hémodynamique, position demi-assise si détresse respiratoire, mise en position latérale de sécurité si perte de conscience ß2mimétiques en spray si bronchospasme (+/-). Pas d’indication aux corticoïdes à la phase initiale (efficacité pour la prévention de la réaction biphasique). Trop souvent l’alerte au centre 15 est trop retardée.
LES SYNCOPES VASO VAGALES (SVV)
Première cause des syncopes (perte connaissance (PC) avec ou sans prodrome), restitution ad integrum en grande majorité mais risque de lésions dues aux chutes éventuelles. La physiopathologie nécessite l’intégrité du système nerveux autonome (SNA). Des afférences provenant des ganglions sensoriels, des barorécepteurs, des stimuli nociceptifs ou visuels… convergent au niveau du tronc cérébral d’où partent des efférences qui activent le SNA, entraînant une augmentation du tonus parasympathique et une diminution du tonus sympathique : bradycardie et vasodilatation ayant pour effet une chute du débit cardiaque, de la perfusion cérébrale, responsables de la perte de connaissance. De nombreuses situations peuvent conduire à une SVV : douleur, émotion, déshydratation, station debout prolongée, postprandial d’un repas copieux, passage brutal à l’orthostatisme, traitements par vasodilatateurs, diurétiques. Des signes vagaux peuvent accompagner la SVV : nausées, vomissements, bâillement, sensation vertigineuse, vision floue, voile noir, sudation, sensation de chaleur, bouche sèche.
Les signes cliniques associent chute de tension, pouls filant voire une brève asystolie, pâleur, perte de connaissance responsable de chutes (prévention). La prise en charge consiste en : prévenir les traumatismes, allonger le patient, le stimuler, lever les membres inférieurs pour augmenter le retour veineux. Si la PC se prolonge, ce n’est pas une SVV mais potentiellement une atteinte cardiaque (trouble du rythme, trouble de la conduction…), une atteinte neurologique (accident vasculaire cérébral, épilepsie…), une hypoglycémie, un état de choc…
LE SYNDROME DE TACHON
Syndrome décrit par un rhumatologue français le Dr Tachon ; fréquence estimée à 1/8000 infiltrations ou 1/6.5 année d’exercice (Berthelot et all 2005). Il existe peu de littérature sur ce sujet. Cet effet secondaire d’une injection (quel qu’en soit le site) de corticoïdes se manifeste très rapidement après l’injection par des douleurs intenses lombaires, thoraciques parfois associées à une dyspnée avec une sensation de mort imminente générant une très grande angoisse (patient et praticien). Cette symptomatologie est réversible en quelques minutes sans séquelle. C’est un diagnostic d’exclusion. La physiopathologie est discutée : injection intra veineuse de microcristaux atteignant d’abord le filtre pulmonaire puis rénal. Pas de composante allergique., rôle d’une agrégation de globules rouges (Laredo 2016 étude animale). Le cortivazol serait la molécule la plus souvent associée à ce syndrome dont la fréquence aurait diminué depuis son retrait du marché. (Schneider and all 2016).
SYNDROME DE NICOLAU OU DERMITE LIVOÏDE
Décrit en 1925 par Nicolau lors d’injection de sels de bismuth (traitement de la syphilis). Il s’agit d’une complication iatrogénique rare lors d’une injection (quel qu’en soit le site) entraînant une réaction cutanée à type de nécrose. De nombreuses molécules sont impliquées. Plusieurs hypothèses diagnostiques ont été évoquées : rôle des solvants, de l’osmolarité, vasospasme, thrombose, ischémie artérielle, compression extrinsèque d’une artériole. L’ischémie peut atteindre une branche nerveuse entraînant un déficit sensitif et/ou moteur.
Évolution d’un syndrome de Nicolau suite à une infiltration d’une bursite de
l’épaule. (Avec l’aimable autorisation du Dr Stephanie BOUVY)
A : Jour J, jour de l'injection
B : J-14 post-injection
C : J-18 post-injection
D : J-25 post-injection
Lors d’une injection, le patient ressent une très violente douleur. La symptomatologie est retardée avec apparition précoce d’une coloration de la peau de type livoïde puis évolution vers la nécrose et perte de substance. Pour prévenir ce syndrome, il est conseillé de respecter les recommandations techniques relatives aux injections : aspiration, injection lente, injection en Z (étirement de la peau au niveau du site d’injection modifiant les rapports anatomiques des tissus cutanés et sous cutanés évitant ainsi un dépôt de médicament dans la zone sous cutanée).