LA MÉDITATION DE PLEINE CONSCIENCE : UNE APPROCHE THÉRAPEUTIQUE COMPLÉMENTAIRE
DR STÉPHANE BRETON, PSYCHOLOGUE ET HYPNOTHÉRAPEUTE
La méditation de pleine conscience est désormais partie prenante de l’offre de soin dans de nombreux services hospitaliers. Elle vise le plus souvent à accompagner les patients douloureux et contribue à une meilleure prise en charge des pathologies chroniques invalidantes ou non. Elle favorise ainsi un meilleur confort des personnes concernées. En rhumatologie, la méditation de pleine conscience a un intérêt pour les patients dans le cadre d’une thérapeutique complémentaire.
LA MÉDITATION DE PLEINE CONSCIENCE
La méditation de pleine conscience, mindfulness en anglais, est la conscience (de soi et de son environne-ment) qui se manifeste lorsque l'on porte une atten-tion sensible à l’expérience vécue au moment présent. Créée par le docteur Jon Kabat-Zinn, biologiste molécu-laire diplômé du MIT et pratiquant de yoga, la médita-tion de pleine conscience, grâce à un protocole précis, est proposée aux patients et aux personnels soignants. De là est né le programme éducatif et préventif MBSR1au sein de la Faculté de Médecine de l'Université du Massachusetts puis le lancement du Center For Mindful-ness in Medecine, Health Care, and Society (C.F.M.).
Cette pratique laïque de la méditation concourt à en-traîner notre capacité d’attention et de discrimination à ce qui se passe en nous/devant nous (pensées, émo-tions, sensations, perceptions et conception de ce qui nous anime ou nous emporte, par exemple) en opérant une observation bienveillante et sans volonté aucune de réguler ce qui advient, de le censurer ou de le juger. Il s’agit de laisser faire les choses tout simplement.
La méditation de pleine conscience est accessible à tous et peut se pratiquer à n’importe quel moment. Elle consiste à vivre le présent en toute connaissance de cause. Être plus présent à ce que l’on vit permet de contacter ses ressources utiles, de développer sa capa-cité de régulation du stress, de favoriser la tranquil-lité intérieure et de limiter les processus de répétition dysfonctionnels (souffrance psychique et douleur phy-sique). C’est un gain potentiel de confort au quotidien et une « méthode » d’apaisement psychocorporel (bien-être psychique et mieux-être physiologique).
Depuis plusieurs années, des études cliniques ont constaté les bénéfices sur l’homéostasie des patients :diminution du stress, neuroplasticité, réduction de la douleur, limitation des phases aiguës dépressives, baisse des périodes d’inflation dans les maladies chro-niques, par exemple.
Les neurosciences montrent à des degrés divers que la pratique de la méditation de pleine conscience modifie le fonctionnement et la structure du cerveau : de nou-velles connexions neuronales se créent et le volume de matière grise augmente dans certaines zones. Cette plasticité cérébrale se caractérise notamment par une baisse d’activité de l’amygdale (impliquée dans le trai-tement d’émotions comme la peur et l’anxiété) et par une activation renforcée au niveau de l’insula et du cortex pré-frontal (région cérébrale impliquée dans le traitement de l’attention et les fonctions exécutives qui contrôlent le comportement). Ces effets favorisent sur la durée une meilleure régulation émotionnelle. Le cor-tex insulaire participe notamment à la conscience inté-roceptive, à la perception de la douleur, à la conscience des émotions et au contrôle des fonctions autonomes en modulant les systèmes nerveux sympathique et para-sympathique.
Par ailleurs, des changements neurochimiques et d’autres d’ordre génétique sont également notables. Ainsi certaines études2 randomisées montrent des effets positifs sur les phénomènes inflammatoires, l’immunité et le vieillissement cellulaire.Ce type de pratique a une action réelle sur les mar-queurs physiologiques du stress3. On observe ainsi une augmentation de la dopamine, de la sérotonine et des endorphines (hormones en lien avec la sensation de bien-être) et une baisse du cortisol et de la noradréna-line (en lien avec la réaction de stress).
MÉDITATION DE PLEINE CONSCIENCE ET PATHOLOGIES RHUMATISMALES
Des études scientifiques internationales ont été publiées visant à démontrer l’intérêt de la méditation de pleine conscience dans la prise en charge complémentaire des maladies inflammatoires.
En ce qui concerne ces pathologies, une étude norvé-gienne4 atteste de résultats intéressants sur des patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique). Les chercheurs ont ainsi sui-vi pendant un an 73 personnes âgées de 20 à 70 ans.La moitié d’entre eux participait à un groupe de médita-tion de pleine conscience (durant dix séances) et l’autre moitié recevait des soins classiques. Après ces séances, puis un an plus tard, les capacités d’adaptation, le niveau de stress et le contrôle des symptômes, dont la douleur et la fatigue, ont été évalués. Il en ressort que les niveaux de stress et de fatigue étaient améliorés. Les différences les plus importantes concernent principalement la di-minution de la fatigue.
Une autre étude majeure publiée en 20145 montre l’inté-rêt de la méditation de pleine conscience dans la mesure du vécu subjectif des patients touchés par une polyar-thrite rhumatoïde avec une diminution significative du nombre d’articulations douloureuses et la perception d’un mieux vivre au quotidien. Un confort renforcé et une qualité de vie supplémentaire qui potentiellement peut permettre de réduire la prise en charge médica-menteuse de la plupart des patients.
S’agissant de la gestion de la douleur, une étude cana-dienne6 de 2009 conforte la pertinence de la méditation dans sa prise en charge. Le groupe alors soumis au pro-gramme a vu sa sensibilité à la douleur diminuer de ma-nière durable. La cohorte entraînée à la méditation per-çoit une intensité moindre à la douleur, la fixation sur la partie douloureuse est ainsi atténuée. La modulation de la douleur est corrélée au ralentissement du rythme respiratoire et à une tendance plus élevée à observer ce qui est ressenti et à ne pas réagir à cette expérience. Cette modulation de la relation à la douleur est un point majeur d’un mieux-être durable pour la grande majorité d’entre eux.
▸CONCLUSION La plupart des études démontrent un intérêt significatif de l’usage de programmes de méditation de pleine conscience sur un plan fonctionnel et émotionnel pour des patients atteints de pathologies rhumatismales. La diminution du stress, une plus grande souplesse corporelle, une perception de la douleur moins grande et une autonomie renforcée sont autant de bénéfices constatés. Ces programmes d’accompagnement méditatifs sont indéniablement un confort supplémentaire sur la durée pour les patients concernés. De tels programmes peuvent donc être proposés en appui d’un suivi clinique longitudinale. Les professionnels du soin peuvent donc s’y référer à condition de vérifier la qualité des dispositifs proposés. |
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt. |
▸▸Contact : Dr Stéphane Breton / bretonstef@yahoo.fr |
RÉFÉRENCES
◆ 1.https://www.association-mindfulness.org/les-programmes-bases-sur-la-pleine-conscience.php
◆ 2.https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2110455118, https://news.wisc.edu/study-reveals-gene-expression-changes-with-meditation/ et https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2017.00670/full
◆ 3.https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-meditation-agit-directement-sur-notre-stress et https://link.springer.com/article/10.1007/s12671-015-0482-8
◆ 4.https://meditation-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/07/Zangi_ARD080512.pdf
◆ 5.https://meditation-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/07/Fogarty-2014-PR-MBSR.pdf